Lettre à César roi de Rome
Shaikh Safi Ar-Rahman Al-Moubarakfawri
« Al-Raheeq Al-Makhtoum», Le Nectar Cacheté (biographie du
prophète) du cheikh Safi Ar-Rahman Al-Moubarakfawri.
LE TÉMOIGNAGE D’HÉRACLIUS 1ER , EMPEREUR D’ORIENT
Boukhâry rapporte dans un long hadith, la teneur de la lettre que le Prophète
avait adressée à Héraclius 1er, empereur d’Orient (610-641), pour l’inviter à
embrasser l’Islam. La lettre est la suivante :
« Au nom de Dieu, L’infiniment Miséricordieux, le très Miséricordieux. Lettre de Muhammad, le
serviteur et le Messager de Dieu à Héraclius, empereur de Rome. Que la paix soit sur ceux qui suivent
la voie droite. Accepte de te soumettre. Embrasse l’Islam et Dieu te récompensera deux fois. Si tu te
détournes et refuses, tu porteras les péchés des Romains. « Dis : Ô gens du Livre ! Convenons les uns des
autres de ce point commun entre nous, à savoir de n’adorer que Dieu seul, sans lui adjoindre d’associé, de
ne pas nous prendre les uns les autres pour divinités en dehors de Dieu. » S’ils se détournent, dites-leur :
« Soyez témoins, qu’à Dieu seul, nous nous soumettons ». » (La famille d’Imrâne, v.64).
Le Prophète fit porter cette lettre par Dihya ibn Khalîfa Al-Kalby à qui il
donna l’ordre de la remettre au roi de Bosrâ qui lui-même se chargea de la
transmettre à l’empereur d’Orient. Dans les propos rapportés par Boukhâry, Ibn
Abbas dit avoir été informé par Aboû Soufyân ibn Harb du dialogue qui s’est tenu
entre lui et l’empereur Héraclius 1er, lorsque ce dernier apprit la nouvelle de la
lettre. Aboû Soufyân présent chez l’empereur, alors qu’il n’avait pas encore
embrassé l’Islam et dirigeait encore l’inimitié contre le Prophète, témoigne en
répondant aux questions de l’empereur, curieux de savoir qui est ce Muhammad qui
se prétend être envoyé de Dieu :
Héraclius 1er : « Lequel d’entre vous est généalogiquement plus proche de cet homme
qui prétend être un prophète ? »
Aboû Soufyân : « C’est moi. »
Héraclius 1er : « Rapprochez-le de moi ! Rapprochez ses compagnons et mettez-les
derrière lui ». Ensuite il dit au traducteur : « Dis-leur que je veux interroger leur
compagnon au sujet de ce prétendu prophète ; si cet homme venait à mentir, alors
ses compagnons devraient m’informer de ce mensonge. »
« Par Dieu ! N’eût été la honte de me voir attribuer un mensonge, j’aurais menti
devant les questions de l’empereur » affirma par la suite Aboû Soufyân.
La première question fut la suivante :
Héraclius 1er : Quelle appréciation faites-vous de sa généalogie ?
Aboû Soufyân : « Son lignage est noble. »
Héraclius 1er : « Quelqu’un parmi vous a-t-il jamais, tenu de tels propos ( le fait de se
prétendre prophète) ? »
Abou Soufyan : « Non. »
Héraclius 1er : « Le soupçonniez-vous de mensonge avant qu’il ne tienne un tel
discours ? »
Abou Soufyan : « Non. »
Héraclius 1er : « Y a-t-il des rois dans sa descendance ? »
Aboû Soufyân : « Non. »
Héraclius 1er : « Ceux qui le suivent sont-ils les nobles ou le bas peuple ? »
Aboû Soufyân : « Plutôt le bas peuple. »
Héraclius 1er : « Ces gens augmentent-ils en nombre ou régressent-ils ? »
Aboû Soufyân : « Ils augmentent plutôt. »
Héraclius 1er : « Y en a-t-il qui apostasient par aversion après avoir embrassés sa
religion ? »
Aboû Soufyân : « Non. »
Héraclius 1er : « Lui arrive-t-il de trahir ? »
Aboû Soufyân : « Non. Toutefois, nous avons conclu une trêve avec lui et nous ne
connaissons pas ses intentions. »
Héraclius 1er : « C’est la seule réponse où je peux trouver à redire. Mais avez-vous été
en guerre avec lui ? »
Aboû Soufyân : « Oui. »
Héraclius 1er : « Quel a été l’aboutissement de ces combats livrés ? »
Aboû Soufyân : « Tantôt nous triomphions et tantôt il triomphait. »
Héraclius 1er : « Que vous ordonne-t-il de faire ? »
Aboû Soufyân : « Il nous ordonne de n’adorer que Dieu seul sans rien lui associer, de
délaisser le culte de nos ancêtres, de faire la prière, de verser l’aumône, d’être
sincères, d’être chastes et de garder le lien avec la famille. »
Héraclius 1er: (au traducteur) ! « Dis-lui que je l’ai interrogé au sujet de son lignage
et il a répondu qu’il est noble. Il en est de même du lignage des messagers au sein
de leur peuple. Je lui ai demandé si quelqu’un avant lui, avait eu la même
prétention et il m’a répondu que « non ». Car, si quelqu’un avant lui, avait eu la
même prétention, j’aurais pu croire qu’il ne veuille que renouveler ce qu’un
autre a déjà accompli. Je lui ai demandé s’il y avait des rois dans sa descendance
et il m’a répondu que « non ». Je me suis dit : S’il y avait un roi dans sa
descendance, je pourrais penser qu’il cherche à reconquérir le trône de son père.
Je lui ai demandé s’ils le traitaient de menteur avant qu’il n’ait eu à se présenter
comme prophète et il m’a répondu que « non ». Or j’ai compris par là, que s’il
n’était pas homme à mentir à l’égard de ses semblables, il ne pouvait, à plus
forte raison mentir à l’égard de Dieu. Je lui ai demandé si ce sont les nobles qui
le suivent ou le bas peuple et il répondit « le bas peuple », or ce sont ceux-là
même qui suivent toujours les messagers. Je lui ai demandé si ceux qui le suivent
augmentent en nombre ou régressent, et il m’a répondu qu’ils progressent, or
c’est bien cela le propre de la foi qui est de croître jusqu’à atteindre la
complétude. Je lui ai demandé s’il y en a qui apostasient par aversion parmi ses
disciples et il m’a répondu que « non », or c’est bien ainsi qu’il en est de la foi,
lorsque sa douce saveur rencontre les coeurs. Je lui ai demandé s’il trahissait, il
m’a répondu que « non », or tel est le comportement des messagers, ils ne
trahissent jamais. Je lui ai demandé s’ils se sont combattus, et il m’a répondu
que « oui » et que les combats entre vous avaient eu des alternatives, tantôt à son
avantage et tantôt au leur. Il en est ainsi des prophètes, ils subissent des
épreuves, mais la réussite et le succès final leur reviennent. Je lui ai demandé ce
qu’il leur ordonne et il m’a répondu « qu’il leur ordonne d’adorer Dieu sans
rien lui associer, de s’abstenir d’adorer les idoles, de prier, de cultiver la sincérité
et la chasteté. » Précise-lui que si tout ce que tu as dit est vrai, il sera maître de
l’endroit sur lequel, présentement, foulent mes pieds1. Je savais qu’un prophète
allait paraître, mais je n’imaginais pas qu’il viendrait de vous. Quant à moi, s’il
m’était possible de l’approcher, je ferais tout pour le rencontrer et si j’étais
auprès de lui, je laverais moi-même ses pieds »..
Sur ces mots, il se fit apporter la lettre du Messager d’Allah (Paix et Bénédictions
d’Allah sur lui) et la lut. Toutefois, dès qu’il eut fini les voix s’élevèrent et le
bavardage alla en bon train. Ensuite, il donna aux Kouraichites l’ordre de se
retirer. A sa sortie Abou Soufyan dit à ses compagnons : « L’affaire d’Ibn Abi
Kabcha (nom que les associateurs avaient donné au prophète (Paix et
Bénédictions d’Allah sur lui) poussés en cela par une volonté d’ignorer sa
généalogie) devient étonnante. Même le roi des Romains a peur de lui ». A cet
égard il dit plus tard après sa conversion : « Je ne cessai d’être certain que le
1 Ses prédictions furent exactes, car l’empire byzantin fut déchu sur la brèche de la porte Saint-
Romain et lorsque les musulmans conquirent Constantinople le 29 mai 1453.
Messager d’Allah (Paix et Bénédictions d’Allah sur lui) finirait par triompher,
jusqu’au jour où Allah me fit entrer dans l’Islam ».
Voilà le témoignage apporté par Abi Soufyan au sujet de l’effet de cette lettre sur
César. Celui-ci offrit à Dihya ibn Khalifa Al-Kalbi, le porteur de la lettre, de
l’argent et des vêtements.
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